Pure Ocean est une fondation qui, chaque année depuis quatre ans, émet des appels à projets, en vue de les soutenir via son fonds de dotation. 15 projets, choisis par un comité scientifique international indépendant, bénéficient ou ont bénéficié des apports financiers de Pure Ocean. Sa mission principale est de mobiliser la société civile afin de soutenir des projets scientifiques ambitieux et innovants pour la protection de la biodiversité et des écosystèmes marins fragiles.
L’Arctique, mystérieux et négligé
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Le cercle arctique est le parallèle situé le plus au nord de la planète des cinq parallèles principaux. Il traverse la Norvège, la Suède, la Finlande, la Russie, les États-Unis, le Canada, le Danemark et l’Islande. Il traverse également différentes mers : de Beaufort, des Tchouktches, de Sibérie orientale, de Laptev, de Kara, de Barents, de Norvège, du Groenland et de Baffin. Au centre : l’océan Arctique.
Cette zone arctique a été le cœur du sujet de la conférence donnée ce lundi sur le village de la Vendée Arctique – Les Sables d’Olonne par la fondation Pure Ocean et le programme d’exploration Under the Pole.
Amorcée durant une table ronde, la discussion s’est prolongée entre les acteurs, Pol Robert, responsable partenariats et sponsoring de Under the Pole, et Charlie Mathiot, coordinateur scientifique de Pure Ocean.
Under the Pole en mission en Norvège
Pure Ocean sélectionne des projets ayant une forte dimension innovante, d’ordre technologique, écologique ou social. Pure Ocean sensibilise également le public sur la situation des écosystèmes en danger en mettant en lumière des solutions pour les protéger grâce à des conférences, la promotion de courses et défis sportifs ou la mise à disposition de kits de ramassage de déchets « La Goutte Bleue ». Le « bio-inspiré » est également un sujet auquel tient la fondation.
Une quinzaine de projets est actuellement soutenue par la fondation, dont une dans la zone de transition critique entre les océans Atlantique et Arctique, du côté de la mer de Labrador. « Com-N » est le « ferry scientifique des Inuits, sentinelle du changement climatique ». Mais si les raies mantas du Mozambique sont à l’étude, comme les cycles de l’azote, les éponges ou les coraux, l’Arctique (et plus communément ce qu’on appelle les « eaux froides ») n’est pas représentée dans les appels d’offres. Clément Pourtal, project manager de Pure Ocean, souligne une réalité : « Le fait que nous ne recevions pas de candidatures sur ces thématiques est symptomatique du désintérêt pour ces eaux froides où, pourtant, nous pensons qu’il y a beaucoup à faire et à étudier. La biodiversité du Grand Nord est une vraie préoccupation ».
Pour Charlie Mathiot, le coordinateur scientifique, docteur en physiologie des microalgues et plantes, bioénergétique de la photosynthèse, océanographie et écologie marine, ces zones sont pourtant « celles qui évoluent le plus vite face au réchauffement climatique. Le réchauffement au Groenland est deux fois plus rapide qu’ailleurs ; il a fait 30° en Antarctique il y a peu. Ce sont des phénomènes climatiques que nous n’avions pas anticipés, comme la fonte des glaces, qui ne s’opère pas comme on s’y attendait, et qui va plus vite ou moins vite que les estimations scientifiques. Cela vaut le coup de chercher à comprendre ».
Pour la fondation, l’association au sport – à la course au large en particulier – reste une occasion favorable de partager l’information, de poursuivre la sensibilisation et de convaincre les décideurs d’accompagner les projets portés par Pure Ocean notamment. Le prochain appel à candidatures sera ouvert courant septembre.
Les explorateurs de Under the Pole ont rejoint le Svalbard il y a quelque temps maintenant à bord de Why, goélette à deux mâts en aluminium capable d’endurer le grand froid. Il existe également la goélette Why Not, voilier d’exploration capable d’accueillir 22 personnes à son bord. Ce programme lancé il y a 14 ans maintenant par Emmanuelle Périé-Bardout et Ghislain Bardout, co-fondateurs et co-directeurs des explorations, est une plateforme d’exploration sous-marine qui allie recherche scientifique, innovation et sensibilisation.
La spécialisation de Under the Pole est la plongée dans les eaux mésophytiques, ces eaux situées entre 30 et 120m de profondeur et qui n’accueillent plus que fort peu de lumière. Depuis 2021 et jusqu’en 2030, les explorateurs sont investis dans le programme Under the Pole Deeplife, reconnu projet officiel de la Décennie des Nations Unies pour les sciences océanographiques au service du développement durable.
Joints à distance, Emmanuelle Périé-Bardout et Ghislain Bardout ont partagé leur actualité. « Les informations que nous remontons permettent de générer des publications scientifiques. L’une d’elles a démontré que la diversité coralienne est plus riche et diverse en profondeur. Actuellement, nous cherchons à découvrir et cartographier les forêts animales marines, ces écosystèmes qui se créent autour de certaines espèces, coraux, éponges et hydrozoaires, qui ont la forme d’arbres et qui, se regroupant, créent un écosystème favorable à la diversité. Exactement ce qu’on voit sur terre avec les forêts d’arbres : la canopée (l’étage supérieur de la forêt) est le lieu d’une très riche productivité biologique ».
Dans cette zone du globe qui n’a pas fait l’objet de recherches très nombreuses, chaque apport de science a son impact. Partant du principe « qu’on ne protège que ce qu’on connaît », comme le dit le couple d’explorateurs, il est crucial de porter à la connaissance des pêcheurs ces zones de biodiversité phénoménales, qui sont à la merci du passage d’un chalut. Il y a peu, Under the Pole a fait la rencontre des requins du Groenland, qui vivent dans les eaux les plus septentrionales. Ces requins, parmi les trois plus gros de l’océan, recèlent de nombreux mystères. Ghislain Bardout : « Nous avons contribué à une publication de chercheurs américains sur ces requins mystérieux qui vivent dans les profondeurs. Ils sont capables de vivre 250, 300, voire peut-être 400 ans. Ils sont considédés comme l’animal à la plus longue longévité ».
Balises au passage des IMOCA
C’est donc par là-bas, dans ces territoires si peu explorés, que les skippers de la Vendée Arctique vont aller frayer leur chemin au milieu de ce monde mystérieux. Toutes les informations que les marins pourraient rapporter de leur tour de l’Islande auront donc un apport contributif notable.
L’IMOCA a organisé un programme de déploiement de sept bouées météo sur les bateaux de Conrad Colman, Sébastien Marsset, Romain Attanasio, Louis Duc, Denis van Weynbergh, Antoine Cornic et Manu Cousin. Ces bouées dérivantes sont fournies par Météo France. Elles permettent d’apporter de la donnée sur divers sujets, notamment la pression atmosphérique in situ en permanence – une capacité rare. Ces informations contribuent à la fiabilité des prévisions, des routages et contribuent à la sécurité en mer.
Fabrice Amedeo poursuivra son programme de prélèvements océanographiques pour le programme Ocean Calling. Ces données aident les scientifiques à mieux comprendre l’impact et les conséquences du réchauffement climatique et des gaz à effets de serre sur les océans ; les capteurs de microparticules plastiques seront aussi utilisés.