Charlie Dalin, récit d’une partition au presque parfait
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Lui non plus n’avait pas vraiment imaginé ça. Une arrivée célébrée avec un bonnet sur la tête avec les fjords et les sommets islandais enneigés pour décor. Sur le pont, Charlie a enregistré une vidéo. "C’est la première fois que j’apprends que je gagne une course en étant au mouillage", s’amuse-t-il. Ainsi, en franchissant la porte d’Islande à 2 h 20 vendredi matin, Charlie Dalin s’est donc imposé devant Jérémie Beyou (Charal) et Thomas Ruyant (LinkedOut). La tournure des événements, la forte dépression qui s’est abattue sur la flotte, l’obligation de s’y adapter, les choix faits par l’organisation… Tous les bouleversements de ces dernières heures ne peuvent faire oublier la course de Charlie Dalin.
Une dorsale "pas si simple" à franchir
La course avait donc débuté dimanche dernier comme un boulet de canon. APIVIA 1er du nom – en attendant son successeur dont la mise à l’eau est prévue l’année prochaine – n’avait pas tardé à faire parler sa pointe de vitesse. "On est parti sur les chapeaux de roues, expliquait-il deux jours après le départ. J’ai rarement été aussi vite et aussi longtemps avec le bateau". Ensuite, place au coup d’arrêt. Il prend la forme d’une longue dorsale qui barre la progression de la flotte. "Le contraste était saisissant entre la 1ère et la 2e nuit, nous avions très peu de vent", explique-t-il.
APIVIA à moins de 5 nœuds en pleine mer, la donnée avait de quoi surprendre les aficionados de la cartographie ! C’est le temps de se reposer un peu et surtout de tout faire pour sortir de la dorsale. "Et ce n’est pas simple", sourit Charlie. Suivi par Jérémie Beyou (Charal) et Thomas Ruyant (LinkedOut), il opte pour une route Ouest. Sauf que l’option n’est pas si évidente. Benjamin Ferré (Monnoyeur - Duo For A Job) et Guirec Soudée (Freelance.com) – "les petits malins" dixit Thomas Ruyant – sont parvenus à prendre la tête du classement par l’Est. Les skippers de bateaux à dérives droites savent que leur domination ne peut durer qu’un temps. Charlie, lui, a le temps de profiter, un peu. Il évoque notamment la nuit de lundi à mardi, "la mer d’huile et la pleine lune".
Victoire et fondue savoyarde
Le skipper APIVIA retrouve ensuite sa vitesse de croisière à la latitude de l’Irlande et refait son retard sur les hommes de tête. Le mercredi soir, il prend le pouvoir. Charlie s’active, ne lâche rien, comme si le leadership lui donnait des ailes. Le skipper l’a déjà démontré, il s’y emploie à nouveau. L’écart se creuse avec Jérémie Beyou (Charal) jusqu’à 100 milles et l’Islande est la première étape.
C’est là que la dépression qui se creuse vers l’Ouest devient la préoccupation majeure. La direction de course décide coup sur coup, d’annuler le contournement de l’Islande puis de neutraliser la course. Des rafales à plus de 50 nœuds, en vent de travers, étaient en effet prévues le samedi sur la route directe des premiers. Charlie franchit finalement la porte d’Islande, au Sud Est de l’île, vendredi matin.
Ce n’est qu’une poignée d’heures plus tard, une fois à l’abri, qu’il apprend que cette marque est la ligne d’arrivée finale de cette Vendée Arctique-Les Sables d’Olonne. La pression est ensuite retombée et le Normand s’est offert une fondue savoyarde de circonstance, face aux montagnes enneigées. Sur la scène du village, lors de la présentation des skippers avant le départ, Charlie avait lâché : "après ma victoire à la Vendée Arctique…" avant que les éclats de rire ne l’obligent à se reprendre. Un lapsus révélateur avant de franchir la ligne d’arrivée en tête une dizaine de jours plus tard.
Charlie Dalin signe donc une nouvelle victoire, la 2e en autant de courses cette saison après son succès à la Guyader Bermudes 1000 Race en mai dernier. Progressivement, il dessine un des palmarès les plus conséquents chez les marins en activité : cinq podiums à la Solitaire du Figaro (de 2014 à 2018), une Transat Jacques-Vabre (2019) et une 2e place au dernier Vendée Globe. La 1ère édition de la Vendée Arctique-Les Sables d’Olonne lui avait résisté, il y a deux ans pour… 50 minutes après plus de 3 200 milles de bataille intense face au vainqueur Jérémie Beyou (Charal) et Thomas Ruyant (LinkedOut, 3e). Le trio avait relancé le match en ce mois de juin et reconstituer le même podium. Avec Charlie Dalin sur la plus haute marche.