Les IMOCA à dérives droites bousculent l’ordre établi
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En course au large, chacun doit jouer avec ses armes et savoir saisir les opportunités. Les marins naviguant sur des IMOCA à dérives droites l’ont parfaitement intégré, y compris les bizuths comme Benjamin Ferré (Monnoyeur - Duo For A Job) ou Guirec Soudée (Freelance.com) qui, après trois jours de course, évoluent aux avant-postes de la Vendée Arctique – Les Sables d’Olonne.
Un bon coup dans la dorsale
"Depuis le départ, on savait que la situation faisait que des foilers et des bateaux à dérives droites pouvaient choisir des routes différentes", explique le directeur de course Francis Le Goff. "Les IMOCA à dérives sont plus à l’aise au près dans des vents moyens et avec la dorsale anticyclonique, deux grandes possibilités se dessinaient. Les foilers sont partis vers le large et certains bateaux à dérives ont fait le choix de rester plus proches de la route directe. On voyait un petit passage dans la dorsale et il s’est avéré encore plus intéressant que ce que le modèle donnait." Cette audace a surpris certains marins, à l’instar de Damien Seguin (Groupe APICIL) : "Les bateaux à dérives qui sont en tête de course ont une trajectoire très à l’est. Personne ne pensait qu’ils allaient arriver à passer si bien cette dorsale en prenant cette route. Il y a des moments où il faut avoir un peu de chance aussi. Maintenant, à nous de cravacher pour repasser devant !" Benjamin Dutreux (Guyot Environnement - Water Family) se montre également lucide : "Ce sont des petits malins par rapport à nous, on a foncé à fond la caisse dans la dorsale et eux ont pu voir ce qu’il se passait devant. Cela leur a ouvert des opportunités. Comme quoi les plus rapides ne sont pas forcément les plus malins."
"Tout ne se passe pas toujours comme c’est écrit dans les ordinateurs !"
Eric Bellion (COMME UN SEUL HOMME Powered by ALTAVIA) fait partie des "petits malins" qui ont coupé la dorsale au plus court. Il n’a pas manqué de saluer la performance des deux marins qui le devancent : "Benjamin Ferré et Guirec Soudée m’impressionnent beaucoup, eux qui viennent juste de tâter de l’IMOCA. Même si les cartes peuvent être redistribués, je leur tire mon chapeau, c’est incroyable ce qu’ils font. Ce sont des skippers de grand talent !"
Plus en retrait, le Belge Denis Van Weynbergh (Laboratoires de Biarritz) se réjouit également que ses camarades sans foils s’en sortent aussi bien. "C’est rigolo de les voir devant », dit-il. "On essaye tous de tirer le maximum de nos bateaux d’anciennes générations et c’est intéressant de constater qu’on est bien avancés. Comme disait Jean Le Cam : tout ne se passe pas toujours comme c’est écrit dans les ordinateurs !"
Aux avant-postes jusqu’au contournement de l’Islande ?
La Guyader Bermudes 1000 Race, le moins dernier, avait déjà permis à des non-foilers de s’illustrer, trois avaient terminé dans le Top 10 : Nicolas Lunven (4e), Eric Bellion (7e) et Conrad Colman (10e). Le parcours de la Vendée Arctique, avec beaucoup de transitions météo, laisse des opportunités, le passage de la dorsale l’a prouvé. Des marins comme Benjamin Ferré ou Guirec Soudée savent en profiter grâce à leur fraîcheur et une pression de résultat moins élevée. Ils jouent leurs coups à 100 % et cela paye. Par ailleurs, les IMOCA à dérives droites restent des bateaux complexes mais beaucoup moins que les foilers de dernière génération.
Les bateaux à foils ont un net avantage dès qu’ils ont un bon angle par rapport au vent et que la mer est plutôt plate. Dans ces cas-là, ils vont 20 à 30 % plus vite que les bateaux à dérives. Mais la route vers l’Islande est loin d’être un tout droit au reaching (vent de travers), elle est truffée de situations compliquées. "A ce stade, les foilers sont plutôt sur leur temps de course prévu sur les routages alors que les bateaux à dérives sont en avance", souligne Francis Le Goff. "Ils peuvent encore animer cette course dans les heures qui viennent et on pourrait même les voir aux avant-postes jusqu’au contournement de l’Islande."